Les étapes des arguments cosmologiques
Introduction aux étapes des arguments cosmologiques : on prouve l'existence d'un terminus fondement de toute réalité, puis on l'identifie à Dieu en prouvant qu'il possède ses attributs.
Dernière mise à jour le 18/02/2024 : Rajout d’une citation de Paul Clavier sur le problème du taxi.
Après avoir défini les arguments cosmologiques (notons-les AC pour la suite), je présente ici leurs différentes étapes qu’ils partagent tous (ou au moins à la quasi-majorité d’entre eux). Nous verrons dans le ou les prochains articles les différents types d’AC.
Voici pour rappel ma propre définition (un peu longue mais claire selon moi) que j’utiliserai :
Un argument cosmologique est un argument qui part d’une caractéristique générale, vague, fondamentale, abstraite et neutre liée à l’imperfection/la finitude/la dépendance d’un point de départ qui peut aller d’une ou plusieurs choses qui existent dans notre monde à un ensemble de tout ce qui existe (l’univers, le multivers ou le plurivers) pour prouver que Dieu existe.
En gros, les AC expliquent une propriété très générale (“cosmique”) de quelque chose de fini/limité à l’aide de l’existence et de l’action volontaire/intentionnelle de Dieu.
On peut découper quasiment tous les AC en deux grandes étapes :
Prouver l’existence d’un point d’arrêt/un terminus (un fondement de toute réalité) à l’explication de la chose à expliquer (par exemple le mouvement ou l’existence d’un chien ou de l’univers).
Prouver que ce point d’arrêt/terminus est bien Dieu et pas autre chose de matériel, c’est-à-dire qu’il possède bien au moins certains, au mieux beaucoup de propriétés du Dieu monothéiste comme l’aséité (l’indépendance), l’immatérialité, la volonté, l’intelligence, la bonté, etc.
Ce sont deux grandes étapes qu’on retrouve chez William Rowe et Joshua Rasmussen qui le reprend pour les anglo-saxons, et chez Frédéric Guillaud et Matthieu Lavagna pour les francophones. Nous allons voir l’une puis l’autre plus en détails avec leurs propres “sous-étapes”.
Si on rentre dans les détails des sous-étapes de la première grande étape et qu’on la combine directement avec la seconde, on a ce schéma général que je reprends en grande partie avec quelques modifications (pour généraliser à tous les AC) à Robert Koons1 :
Il existe quelque chose de type X. (où X est une caractéristique très générale, fondamentale, neutre et abstraite) = prémisse existentielle
Toute chose de type X a une cause/raison suffisante/explication. = principe de dépendance (une version du principe de causalité ou du principe de raison suffisante)
Pour une raison Y, la série de causes à effet/raisons suffisantes/explications de X doit finir à un terminus/point d’arrêt fondement de toute réalité. = problème de la régression
On peut identifier ce terminus à Dieu (sous-entendu le Dieu monothéiste tel qu’on l’entend souvent). = problème du gap
Première grande étape : prouver l’existence d’un terminus, fondement de toute réalité
Dans la première étape, on cherche à prouver l’existence d’un point d’arrêt/un terminus à l’explication de la chose à expliquer (par exemple le mouvement ou l’existence d’un chien ou de l’univers), ce qu’on peut appeler le fondement de toute réalité comme le fait Rasmussen2.
J’utilise le mot terminus dans le sens de dernière étape dans une explication comme quand on dit qu’un arrêt de train ou de métro est le terminus car c’est le dernier arrêt dans une série de stations. J’ai choisi des mots plus généraux comme terminus et point d’arrêt pour avoir des mots qui s’appliquent à tous les AC, contrairement à d’autres expressions qui se concernent en toute rigueur seulement à certains types d’AC comme cause incausée ou être nécessaire par exemple. J’aime aussi l’expression fondement de toute réalité3 car elle me semble assez générale pour s’appliquer au résultat de la première étape commune à tous les AC.
Le nom et la nature de ce terminus sera différent en fonction du type de l’AC qu’on utilise :
Dans les arguments aristotéliciens et la première voie de Thomas d’Aquin, on aura un terminus du mouvement qu’on appellera le premier moteur immobile4 ou l’être en acte pur.
Dans d’autres arguments thomistes et la seconde voie de Thomas d’Aquin, on aura un terminus des séries de causes essentiellement ordonnées (des causes efficientes) qu’on appellera cause première5.
Dans les arguments d'Averroès, la troisième voie de Thomas d’Aquin, les arguments cosmologiques modaux de Duns Scot, les arguments de la contingence de Leibniz et de Samuel Clarke, ceux de Frédéric Guillaud et de Matthieu Lavagna, on aura un terminus des êtres contingents qu’on appellera la cause incausée6 ou l’être nécessaire7.
Et enfin, dans les arguments du kalam de Philopon, d’Al-Ghazali, de Bonaventure et de William Lane Craig, on aura un terminus des séries de causes accidentellement ordonnées ou plus simplement du commencement de l’univers dans le temps qu’on appellera souvent aussi cause première8.
William Rowe est connu pour avoir introduit les deux grandes étapes que je suis en train de traiter. Voici ce qu’il dit de la première :
The Cosmological Argument, therefore, as understood in this study, consists of two parts. The first part, depending on which version we pursue, is an argument to establish the existence of a first cause, necessary being, or a being that accounts for the existence of the world.
Rowe William L., The cosmological argument, New York : Fordham University Press, 1998, 273 p., pp. 5-6.
De nombreuses fois dans ses écrits, Joshua Rasmussen a repris et popularisé (étant donné qu’il est plus jeune, de ma génération) ces étapes en les appliquant en particulier aux arguments de la contingence. Mais ce qu’il dit d’eux est valable également pour les AC en général :
STAGE I represents the core argument; most discussions of various CACs have focused on the elements of this argument. The primary goal of STAGE I is to show that those things that exist, but need not have existed, ultimately depend for their existence upon a Being whose non-existence is absolutely (i.e., metaphysically) impossible. In other words, contingent reality depends ultimately upon a self-existent, necessary reality.
Rasmussen Joshua, « Cosmological Arguments from Contingency », Philosophy Compass, vol. 5, no 9, 2010, p. 807.
I will seek to shed light on the mystery of existence in two stages. In the first stage, I will show how certain principles of explanation suggest that there is a foundational layer of reality, which exists without any outside explanation.
Rasmussen, « The Argument from Contingency », p. 17.
Frédéric Guillaud et Matthieu Lavagna font de même dans leurs écrits respectifs en parlant d’établir l’existence d’une cause incausée ou d’un être par soi :
Le point de départ fondamental de la plupart des arguments cosmologiques est d’établir qu’il existe une cause incausée qui est la source de la totalité de l’existence.
Lavagna Matthieu, Les travers de la zététique: Réponse au livre de Thomas Durand Dieu, la contre-enquête, 250 p, p. 38.
Où l’on démontre que le principe selon lequel “tout a une cause” est faux ; qu’il existe nécessairement un être incausé, cause ultime de toute réalité ; mais où l’on ne répond pas à la question de savoir s’il s’agit de l’univers lui-même, ou d’un être extérieur à la réalité matérielle. [...]
Ces précisions étant faites, où en sommes-nous ? Tout simplement à la conclusion suivante : il est impossible que tout existe par autre chose que soi-même ; il existe nécessairement un être par soi, une cause fondamentale. [...] Il existe nécessairement quelque chose qui ne dépend de rien. [...] Voici donc le premier acquis de notre recherche. Nous avons démontré qu’il existe au moins un être sans cause, dont tout dépend et qui ne dépend de rien. Cette première étape est capitale, en dépit de son allure modeste, car elle nous fait entrer dans la métaphysique. [...] C’est le premier pas de notre enquête. Pour le moment, nous parlerons de “la” cause première au singulier, mais sans exclure qu’elle puisse être constituée d’un ensemble d’êtres distincts. Simplement, comme nous l’avions fait pour les causes en général, nous appellerons “cause première” la somme des causes premières. [...] Pour l’heure, une chose est sûre : s’en tenir à l’idée que tout est causé et que rien n’est cause première est une position inacceptable logiquement. [...]
Nous avons acquis un premier point : il existe nécessairement une première cause incausée. Il nous a permis d’écarter d’ores et déjà quelques questions oiseuses souvent entendues (“Qui a causé la première cause ?”, “tout a une cause donc il est absurde de s’arrêter”, etc.).
Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 95, pp. 116-118, p. 123.
Nous proposons dans ce qui suit une reformulation de l’argument cosmologique. Nous procéderons en deux temps. Nous montrerons d’abord que le principe selon lequel tout ce qui existe a une cause est faux ; d’où il suit qu’il existe nécessairement au moins un être incausé, cause de tous les autres en dernière instance. [...] Nous montrons d’abord que le principe selon lequel tout ce qui existe a une cause est faux (A); pour ce faire, nous montrons que la régression causale infinie peut être réduite à la causalité circulaire et, de là, à la causalité réflexive; cette dernière étant irrecevable, il s’ensuit qu’il existe nécessairement au moins un être incausé, cause de tous les autres en dernière instance.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », p. 1, 48.
Cette première étape se découpe elle-même en plusieurs étapes que nous allons voir chacune aussi en détails :
Une prémisse existentielle : dit en gros que des choses finies existent dans le monde (moi, des choses extérieures individuelles, l’univers, les multivers, etc.)
Un principe de dépendance (une version du principe de causalité ou du principe de raison suffisante) : permet de résoudre le problème de Glendower et le problème du taxi
Partir d’une ou d’un ensemble de choses finies à un terminus fondement de toute réalité : permet de résoudre le problème de la régression à l’infini
1. Une prémisse existentielle
Les AC commencent tous une prémisse qui dit en gros que des choses (sous-entendues finies et limitées) existent : c’est ce qu’on peut appeler leur prémisse existentielle9 :
The cosmological argument always contains an existential premiss, that is, it asserts that something exists.
CRAIG, William Lane, The Cosmological Argument from Plato to Leibniz, p. x.
C’est ce qu’Alexander Pruss appelle de de façon plus technique un contingent value-neutral existential fact10. Cette prémisse correspond à la première du schéma classique des AC que j’ai mentionnée au tout début : “Il existe quelque chose de type X. (où X est une caractéristique très générale, fondamentale, neutre et abstraite)”.
Par cette prémisse, la plus grande partie des AC sous-entendent implicitement que des choses physiques extérieures à nous et perceptibles par nos sens existent, comme “L’univers existe.”, “Des choses existent.”, “Il y a des êtres contingents.”. Dans ce premier cas, la prémisse existentielle est donc a posteriori ( à part dans un contexte idéaliste).
Mais cette prémisse peut aussi partir de l’existence de quelque chose d’encore plus restreinte : ma propre existence considérée toute seule qui est déjà un fait qui demande à être expliqué en affirmant “J’existe.”. Existence connue par une simple auto-réflexion ou introspection indépendamment de tout usage de nos sens (le cogito ergo sum de Descartes). Dans ce deuxième cas, elle est a priori. Almeida explique bien ce type de prémisses existentielles (les a priori) :
The proposition that I am here now is knowable a priori and so is the proposition that I exist (Kaplan, 1979). But surely a cosmological argument could start from simple a priori facts such as I am here now or I exist (Kripke, 1980: 54–56). A cosmological argument might begin with the fact that I am here now and note that this simple a priori fact requires some explanation, as indeed it does. There must be some explanation why I am here now and I am not there now. There must be some explanation why I exist rather than not exist. The facts that I am here now and that I exist require an explanation because it is a contingent fact that I am here now and a contingent fact that I exist. Some contingent facts that are eligible for explanation are knowable a priori.
Almeida Michael J., Cosmological Arguments, Cambridge, United Kingdom : Cambridge University Press, 2018, 99 p., p. 3.
Il y a des prémisses existentielles peu controversées comme “Il y a des choses en mouvement.” ou “Il y a des choses qui se meuvent.”, “Quelque chose existe.”. Il y en d’autres qui peuvent être plus controversées comme “Il y a des choses contingentes.” qui est contestée par les nécessitaristes (des philosophes qui pensent que tout est nécessaire, tout événement est obligé d’arriver inévitablement) comme Spinoza et Hobbes. Mais dans ce cas, on a déjà gagné en quelque sorte le combat de la première étape, car si tout est nécessaire, il existe alors bien au moins un ou un ensemble d’êtres nécessaires, une sorte de terminus : exactement ce qu’on voulait démontrer (CQFD).
2. Prouver un principe de dépendance
Chaque AC contient comme une deuxième prémisse qu’on pourrait appeler pour suffisamment généraliser un “principe de dépendance”11 (notons-le PD pour la suite). C’est en gros une proposition qui va dire que les choses qui existent d’après notre prémisse existentielle dépendent d’autres choses. C’est une version du principe de causalité (notons-le PC pour la suite) ou du principe de raison suffisante (notons-le PRS pour la suite). Cette prémisse correspond à la deuxième du schéma classique des AC que j’ai mentionnée au tout début : “Toute chose de type X a une cause/raison/explication.”.
Le PRS, c’est toute affirmation de ce type : “Toute chose de type X a une explication/raison.” où x est une caractéristique. Les mots explication et raison sont souvent utilisés comme des synonymes interchangeables dans la littérature. Par exemple, voici quelques versions du PRS : “Tout ce qui existe a une raison d’être, soit en soi-même, soit en dehors de soi.” où x = chose et “Toute chose contingente a une raison suffisante de son existence extérieure à elle.” où x = “chose contingente”.
Le PC, c’est toute affirmation de ce type : “Toute chose de type X a une cause.”. Dans le PC, on sous-entend les causes comme des causes efficientes et non pas comme les trois autres types de causes d’Aristote que sont les causes formelles, les causes matérielles et les causes finales. Une cause efficiente désigne en gros quelque chose qui a le pouvoir de produire, de donner ou de conserver l’existence à quelque chose d’autre. Par exemple, voici quelques versions du PC : “Tout ce qui a un commencement a une cause.” (utilisée par le kalam) ou “Tout ce qui est mu par un autre a une cause.” (utilisé par les arguments aristotéliciens et la première voie de Thomas d’Aquin).
Il est souvent considéré que le PRS est plus général que le PC car une raison/explication est plus générale qu’une cause (efficiente). Il existe un grand nombre de raisons/d’explications qui ne sont pas des causes efficientes. Par exemple, l’explication des théorèmes en mathématiques comme le théorème de Pythagore fait intervenir des éléments purement abstraits, et non pas des éléments concrets comme les causes efficientes.
Il y aura plusieurs manières de défendre un PD. Par exemple :
Soit en montrant qu’il est évident (en anglais self-evident)
Soit par une généralisation des données des sens (par induction), dans ce cas ce sera une prémisse a posteriori d’un AC, et l’AC sera a posteriori.
Soit par une analyse purement conceptuelle des termes employés (“cause”, “effet”, “raison”, “suffisant”, “explication”, etc.). Pour faire cela, on prouve souvent ce principe par l’absurde, c’est-à-dire en montrant que si on le nie, on tombe dans au mieux dans une contradiction logique, au pire dans une situation extrêmement improbable, et donc qu’il est inévitablement vrai.
Ce PD doit être suffisamment robuste pour éviter deux écueils : le problème de Glendower (nom hérité d’un personnage d’une pièce de théâtre Shakespeare) et le problème du taxi, ainsi nommés par Alexandre Pruss.
a. Le problème de Glendower
The first problem is that although some features, such as the existence of contingent things, call for an explanation, it can be disputed whether an explanation exists. I shall call this the Glendower Problem in honor of the following exchange from Shakespeare’s Henry IV, Part 1, Act III:
Glendower: I can call spirits from the vasty deep.
Hotspur: Why, so can I, or so can any man;
But will they come when you do call for them?Pruss Alexander R., « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig William Lane et Moreland James Porter (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, Chichester, U.K. ; Malden, MA : Wiley-Blackwell, 2009, p. 24.
The Glendower problem is essentially about moving from the fact that something calls for an explanation or cause, to the existence of that explanation or cause.
Pruss Alexander, « Where are we with the Cosmological Argument? », alexanderpruss.com, http://alexanderpruss.com/5320/CosmologicalSummary.html.
Je ne suis pas sûr d’avoir compris ce problème mais Pruss semble dire qu’il consiste à demander comment on peut passer du phénomène à expliquer à l’existence de son explication. Si on prend par exemple l’existence de l’univers, l’athée ou l’agnostique peut répliquer que c’est un fait qui ne nécessite pas d’explication (un fait brut). On comprend alors bien que si on arrive à prouver le PD et à l’appliquer à l’univers, alors on en déduira que celui-ci a nécessairement une cause. Et on aura ainsi résolu ce premier problème.
b. Le problème du taxi
Le PD doit également être formulé rigoureusement et avec attention pour éviter un second problème qui arrivera en réalité à la fin de la première grande étape (prouver l’existence du terminus). Je le place quand même ici avant le problème de la régression (que Pruss appelle le second problème) car il nous pousse à formuler soigneusement notre PD. Il s’agit du problème du taxi qui s’attaque au PD :
The third difficulty is the Taxicab Problem, coming from Schopenhauer’s quip that in the cosmological argument, the Principle of Sufficient Reason (PSR) is like a taxicab that once used is sent away. The difficulty here is in answering what happens when the explanatory principle that was used to solve the Glendower Problem gets applied to the First Cause. A popular formulation is: “If God is the cause of the universe, what is the cause of God? Typical solutions argue that the case of the First Cause is different in some way that is not merely ad hoc from the cases to which the explanatory principle was applied. ”
Pruss Alexander R., « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig William Lane et Moreland James Porter (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, pp. 24-25.
Guillaud et Paul Clavier le résument très bien en français :
L’argument favori des adversaires du théisme est bien connu ; c’est d’accuser les théistes de se servir du principe de causalité comme d’un “taxi”. On monte dedans pour se rendre où l’on souhaite (en l’occurrence, jusqu’à l’existence de Dieu) et lorsqu'on est arrivé à destination, on en descend (en l’occurrence, on omet d’appliquer le principe de causalité à Dieu). De Schopenhauer12 à Dawkins13 en passant par Comte-Sponville14 et Daniel C. Dennet15, les antithéistes amateurs prétendent que les théistes s’appuient sur l’axiome que “tout a une cause”, mais que par une manipulation malhonnête, ils font exception pour Dieu, une fois que ce principe les a conduits jusqu’à lui. D’où la question que les athées posent d’un air goguenard en croyant embarrasser les théistes : “Mais qui donc a causé Dieu ?”
Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p.118-119.
Si le monde est contingent, il faudra donc chercher en dehors de lui la raison ultime de son existence. Mais l’on dénie au monde l’existence nécessaire, pourquoi l’accorder à la raison d’existence du monde ? C’set ce qui a fait naître chez des auteurs comme Hume et Schopenhauer l’objection dite “du fiacre”. On hèle le principe de raison suffisante comme un taxi. On lui demande de nous conduire, à partir de ce monde contingent, vers un être qui contiendra la raison suffisante de ce monde. Arrivé à destination, on descend du principe de raison (après s’être acquitté du prix de la course). Pas si vite, se plaint Schopenhauer ! Une fois montés dans le taxi, vous ne pourrez plus descendre : on ne se soustrait pas comme ça à la loi de causalité (qui n’set, selon lui, que le principe de raison suffisante appliqué au devenir). Plutôt qu’un fiacre, le principe de raison suffisante est un balai d’apprenti sorcier qui, une fois activé, ne peut plus être arrêté. Nous sommes donc en présence d’une objection méthodologique, selon laquelle le principe de raison suffisante ne saurait être invoqué une seule fois, puis renvoyé. […]
Schopenhauer remarque qu’en annulant le principe de raison en cours de route, l’argumentation cosmologique s’expose à l’objection de l’arbitraire. C’est l’objection du fiacre, ou du taxi : “La loi de causalité n’est donc pas accommodante au point de se laisser utiliser comme un fiacre qu’on renvoie une fois qu’on est arrivé à destination. Elle ressemble plutôt au balai enchanté de l’apprenti sorcier de Goethe : une fois mis en mouvement, il ne peut plus s’arrêter de courir et de puiser de l’eau ; seul el vieux maître sorcier en personne peut le faire revenir au repos16.”
Clavier Paul, Les avatars de la preuve cosmologique: Essai sur l’argument de la contingence, pp. 12-13, p. 154.
En gros, le problème du taxi pose ce challenge : on a appliqué le PD aux choses finies/limitées à exister et on a montré que du coup celles-ci requièrent une explication ou une cause. Comme on va le voir juste après à la deuxième sous-étape (la suivante), on finit par arriver à un terminus, un point d’arrêt de l’explication. Mais comment justifier qu’on s’arrête, pourquoi ne devrait-on pas appliquer le PD également à ce terminus ? L’image du taxi vient dans le sens où, on se servirait du PD soi-disant comme un taxi qui nous amène jusqu’au terminus, et une fois qu’on y est arrivé, on s’en débarrasse arbitrairement sans l’appliquer au terminus, tout comme le taxi qui s’en va une fois qu’il nous conduit à destination (ici au terminus).
Comme le dit Guillaud, la version la plus grossière du PD est une version du principe de causalité qui s’énonce ainsi : “Tout chose a une cause.”. Alors forcément quand on arrive au terminus, celui-ci aussi a une cause puisque le terminus est aussi une chose. Et effectivement dans ce cas, on ne peut plus jamais s’arrêter. Mais en vérité, aucun AC n’utilise une version aussi faible et ridicule. Je ne l’ai trouvé jusqu’à maintenant uniquement dans des livres de sceptiques athées ou agnostiques. Donc je trouve que Guillaud a raison, c’est un problème qui est facile à éviter et qui vient en fait de déformations du PD.
3. Passer de quelque chose de fini au terminus : résoudre le problème de la régression à l’infini
Une fois qu’on a prouvé dans un AC un PD assez robuste pour éviter les problèmes de Glendower et du taxi, le but est désormais de passer de notre point de départ (quelque chose de fini) à un terminus fondement de toute réalité. Il y a deux étapes.
a. Montrer que la causalité circulaire ou l’auto-explication est impossible
Il faut au préalable montrer que la causalité circulaire (aussi appelée notion de cause de soi17) est impossible pour toute chose ou que l’auto-explication est impossible pour la ou les choses finies qu’on considère. Cela veut dire en gros qu’on va prouver par exemple qu’aucune chose ne peut se causer elle-même ou qu’une chose finie ne peut s’expliquer elle-même (“s’auto-expliquer”) et donc qu’on a besoin d’une cause ou d’une explication extérieure. Pour ce faire, on utilise souvent des arguments de type réduction par l’absurde : on suppose qu’une chose peut s’auto-causer ou qu’une chose finie peut s’auto-expliquer, puis on montre que cela implique des choses absurdes ou impossibles.
Comme c’est une position dure à défendre ou dit dans l’autre sens, facile à réfuter, quasiment toutes les études sur l’AC zappent cette étape. Ou alors elle est implicitement inclue dans l’étape de la résolution du problème de la régression (celle juste après).
b. Montrer que la régression à l’infini est impossible
Cette étape consiste à résoudre le problème de la régression à l’infini :
The second issue that must be faced in defending a cosmological argument is the Regress Problem – the problem of how to deal with an infinite regress of causes or explanations. Hume stated that if we had an infinite regress of explanations, E1 explained by E2, E3, E4, and so on, then everything in the regress would be explained, even if there were no ultimate explanation positing some First Cause.
Pruss, « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig et Moreland (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, p. 24.
En gros, cette étape consiste à montrer que la série d’explications ou de causes pour expliquer la chose finie qu’on considère ne peut pas être infinie. En termes techniques, on dit que les AC cherchent à montrer qu’il est impossible d’avoir une régression à l’infini (ou une régression infinie) dans la série causes et d’effets ou dans la série des explications. Cette étape correspond à la troisième prémisse du schéma classique des AC que j’ai mentionnée au tout début : “Pour une raison Y, la série de causes/raisons/explications de X doit finir à un terminus/point d’arrêt fondement de toute réalité.”.
Si par exemple, la chose à expliquer est l’existence de l’univers (notons-la E), cela veut dire qu’on ne peut pas avoir la cause C1 qui cause E, la cause C2 qui cause C1, la cause C3 qui cause C2, et ainsi de suite à l’infini (on peut remplacer cause par explication le principe restera le même) dans la série de causes S définie du coup par … => C3 => C2 => C1 => E où … symbolise une suite de causes “en arrière” sans fin. Les AC vont montrer qu’il existe au mieux forcément ou au moins très probablement un terminus C, c’est-à-dire un point d’arrêt (une “dernière étape”) à la série S. Selon les arguments, on dira que le terminus C qui résout le problème de la régression est :
Soit le premier élément de S
Soit que même si S est infinie, il doit exister un terminus C en dehors de cette série infinie.
En général, j’ai l’impression qu’on préfère dire que C est en dehors de S (la formulation 2.) pour éviter de mélanger C qu’on identifiera à Dieu lors de la grande étape suivante aux membres “normaux” de S (les éléments C1, C2, C3,...,Cn où n est un nombre entier naturel quelconque de S qui ont besoin de cause ou d’explication) qu’on appelle souvent les créatures. En gros, utiliser la deuxième formulation permet de garder une emphase assez grande sur la transcendance de Dieu (le fait qu’il dépasse ses créatures).
Pour cette étape, on utilisera souvent encore des arguments de type réduction par l’absurde pour montrer qu’une série infinie implique à nouveau des choses impossibles ou du moins extrêmement improbables. Par exemple, on peut chercher à montrer :
Qu’une série infinie est absurde directement
Qu’une série est absurde car comparable par analogie à des situations concrètes absurdes (l’argument du grim-reaper pour le kalam défendu par Alexander Pruss et Robert Koons)
Qu’une série infinie se réduit à la causalité circulaire, elle-même absurde (argument de Pruss repris par Guillaud18 et Lavagna19)
Pour Oppy, et à juste titre, chercher à montrer qu’une régression à l’infini des causes ou des explications est impossible est une caractéristique typique des AC :
Again, speaking very roughly, we might suppose that it is characteristic of cosmological arguments that they involve a premise that claims that a certain kind of infinite regress or infinite collection is impossible. While the general structural features of the universe that are adverted to in cosmological arguments vary widely – temporal structure, modal structure, causal structure, explanatory structure, intelligible structure, ontological structure, and so forth – it seems plausible to claim that all of these kinds of arguments typically involve appeal to the claim that there are ways in which these various structures cannot be infinite.
Oppy Graham, Arguing about Gods, New York : Cambridge University Press, 2006, 449 p, p. 98.
Je noterai juste cependant que ce n’est pas une caractéristique exclusive aux AC. Le problème de la régression peut se poser également pour d’autres types d’arguments : les arguments téléologiques (il pourrait y avoir une régression infinie de designers ?), les arguments moraux (il pourrait y avoir une régression infinie de fondement aux valeurs morales objectives universelles ?) et ainsi de suite.
Par exemple, au sujet des arguments téléologiques, Koons soulève le problème de la régression et montre comment les AC peuvent les aider à le résoudre
If the cosmological argument is successful, it provides the means for answering certain important objections to the design argument. For example, a common and serious objection to the design argument is the threat of an infinite regress. The world is highly organized, so we infer a designer. But, every intelligent designer we know (i.e., human beings) are themselves highly organized systems. So, it seems that we need to infer a designer of the designer, and so on to infinity. Apparently, we haven't gained anything, so we should stop at the first step, and assume that the cosmos has no designer.
The cosmological argument, if successful, provides a powerful reply to this objection. The cosmological argument tells us that there is an uncaused first cause of the world. If the world bears the signs of intelligence, it is reasonable to attribute intelligence to the first cause. There is no threat of infinite regress, because we know that the first cause is uncaused. It provides the natural stopping point.
Koons Robert C., « LECTURE #2: Introduction to the Cosmological Argument », leaderu.com/offices/koons, https://www.leaderu.com/offices/koons/docs/lec2.html.
3. Etape optionnelle : Répondre à l’objection du sophisme de composition
Cette étape vient en réalité avant ou en même temps que la précédente mais je l’ai placée ici car elle ne concerne que les AC qui prennent l’univers (comme un ensemble de choses) pour point de départ.
Cette objection dit en gros qu’on ne peut pas en conclure que l’univers a une cause ou une explication juste parce que ses parties en ont car c’est illégitime :
Mais ici une objection se présente qui va nous aider à bien éclaircir notre position. Certains diront en effet qu’il y a une erreur dans notre raisonnement, lorsque nous affirmons que la totalité des êtres dépendants est elle-même dépendante et qu’elle a donc besoin d’une explication. Il y aurait là un “sophisme de composition” du type : “Tous les humains ont une mère, or l’humanité est entièrement composée, donc l’humanité a une mère”.
Guillaud, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 104.
Une première objection accuse l’argument cosmologique de s’appuyer sur le sophisme de composition, qui consiste à attribuer indûment au Tout une propriété des parties, comme dans le raisonnement suivant : « le chlore est immangeable, le sodium est immangeable, donc le chlorure de sodium est immangeable ». Selon cette objection, l’argument cosmologique tombe précisément dans cette erreur en disant : « Chaque élément constitutif de l’univers a une cause, donc l’univers a une cause ».
Guillaud, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », p. 14.
Pour ne pas laisser mon lecteur sur sa faim, je pense personnellement que ce n’est pas une objection très puissante (contrairement par exemple au problème du gap traité juste après). Il y a deux manières d’y répondre :
Soit on reformule notre argument ou on en utilise un autre qui “bypass”, évite complètement l’objection car non concernée par celle-ci. Il suffit de ne plus partir de l’univers mais de n’importe quel objet fini comme certains arguments de la contingence leibniziens (les versions de Rasmussen) qui ont pour PD “Tout être contingent ont une cause/explication.” ou les deux premières voies de Thomas d’Aquin qui ont pour PD possibles “Tout ce qui est mu a une cause.” et “Tout ce dont l’existence est distincte de l’essence a une cause.”.
Soit on fait tout simplement remarquer comme Guillaud20 repris par Lavagna21 que le sophisme de composition ne concerne qu’un certain type de propriétés : les propriétés non-expansives . Les propriétés expansives sont celles qui se transmettent quand “un tas se forme”. Par exemple si on amasse des briques qui sont chacune rouges individuellement pour construire un mur, on obtient bien sûr un mur aussi rouge. A contrario, les propriétés non-expansives ne se transmettent pas, c’est quand on les utilise qu’on commet le sophisme en question. Par exemple, être petit est non-expansive car quand on amasse plein de de choses petites, on obtient un tas grand qui n’est plus petit. Toute la question qui se pose alors, c’est est-ce que la propriété générale que notre AC étudie (la contingence, la composition, etc.) est expansive ? Il semble au moins à première vue que c’est une position tout à fait défendable de répondre oui. Je consacrerai un ou plusieurs articles plus détaillés à cette objection.
Deuxième grande étape : identifier ce terminus à Dieu
Faisons le point où on en est. On sait désormais à la fin de la première grande étape que l’explication de la chose finie à expliquer doit s’arrêter à un terminus fondement de toute réalité qui est un être concret indépendant. Mais jusqu’à maintenant on ne sait pas encore vraiment son identité : on est encore loin ou au moins pas encore arrivé à Dieu (sous-entendu comme souvent celui des monothéismes), un être immatériel puissant, intelligent, doté d’une volonté, bon.
On est ainsi confronté au dernier problème des AC que Pruss appelle le problème du gap :
The final difficulty for cosmological arguments is the Gap Problem. Granted there is a First Cause, but does anything of religious interest follow? There is a gap between the statements that there is a First Cause and that there is a God.
Pruss, « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig et Moreland (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, p. 25.
Gap pour dire qu’il reste encore un trou (un gap) à franchir pour partir du terminus et arriver à Dieu. Selon les versions de l’AC considéré, ce sera un gap entre la cause incausée, l’être nécessaire, le premier moteur immobile ou la cause première et Dieu. Comme quand on dit qu’il y a un gap générationnel pour dire qu’il y a une grosse différence entre ma génération et celle de mes parents. Ce qui se voit par exemple quand j’arrive à utiliser un ordinateur alors que ma mère au début avait du mal (ce qui est tout à fait normal).
Guillaud mentionne aussi cette étape en parlant du terminus (qu’il appelle dans son argument la cause incausée) et s’interrogeant sur sa nature :
Au point où nous en sommes, rien ne dit qu’il ne s’agisse pas de l’univers lui-même, non pas dans ses formes particulières, effectivement toutes dépendantes les unes des autres, mais dans son substrat matériel fondamental. Il se pourrait en effet que les phénomènes dont nous disions tout à l’heure qu’ils sont totalement dépendants ne le soient pas totalement, mais qu’ils contiennent tous quelque chose de non dépendant, quelque chose qui existe par soi, et qui serait la substance fondamentale de toute réalité. Rien ne dit que l’être inconditionné soit un esprit immatériel, distinct du monde et créateur. Il faut bien distinguer la reconnaissance du fait qu’il doit exister un être par soi - faute de quoi nous tombons dans l’absurde - et l’identification de cet être. [...] Si nous sommes attachés aux mots plus qu’aux choses, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que Dieu existe. Mais nous ne savons pas encore ce qu’il est. [...] Nous avons acquis un premier point : il existe nécessairement une première cause incausée. Il nous a permis d’écarter d’ores et déjà quelques questions oiseuses souvent entendues (“Qui a causé la première cause ?”, “tout a une cause donc il est absurde de s’arrêter”, etc.). Mais cette thèse ne nous a pas permis de déterminer l’identité de la première cause. Dès lors, le but de notre enquête est tout tracé : nous devons résoudre un problème d’identification. Qui est la cause première incausée ? L’univers ? Une partie de l’univers ? Un être transcendant l’univers ? Pour plus de simplicité nous ramènerons ces questions à la suivante : l’univers, en tout ou en partie, peut-il postuler avec succès au statut de “cause première incausée” ? […] C’est seulement en cherchant à préciser si oui ou non l’univers a une cause que nous parviendrons à préciser les contours, l’allure et la multiplicité éventuelle de la réalité cachée sous cette étiquette.
Guillaud, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 120, 123, 118.
Enfin, voici une citation sur ce problème venant du philosophe Graham Oppy, cette fois-ci athée :
A final characteristic of cosmological arguments is that they typically issue in conclusions that – at least prima facie – are only very doubtfully of genuine religious significance. Even if, for example, one can establish that there is an efficient cause for the existence of the visible (physical) universe, it is not at all clear why one should suppose that this efficient cause can be identified with the creative activity of any of the gods whose existence is postulated in extant world religions. At the very best, cosmological arguments are arguments for a conclusion that might serve as an important premise in some further argument for the existence of a religiously significant being.
Oppy, Arguing about Gods, p. 98.
Par conséquent, lors de la deuxième grande étape des AC, on cherche à identifier le terminus à Dieu, montrer que c’est bien Dieu et non pas l’univers ou quelque chose de matériel.
Pour ce faire, il faudra donc montrer que le terminus possède bien au moins certains, au mieux beaucoup de propriétés du Dieu monothéiste comme l’aséité (l’indépendance), l’immatérialité, la volonté, l’intelligence, la bonté, etc. Pour la plupart des philosophes théistes de l’Antiquité, du Moyen-Âge et même de la période moderne (Avicenne, Averroès, Maïmonide, Thomas d’Aquin, Descartes, Leibniz, Samuel Clarke), le but est de montrer en particulier que ce terminus est le Dieu du théisme classique. C’est-à-dire de prouver des attributs encore “plus forts” : montrer que Dieu est omnipotent, omniscient et omnibénévolent, c’est-à-dire parfaitement bon, simple, c’est-à-dire qui n’est pas composé de parties, immuable et éternel dans le sens d’en dehors du temps.
Cette deuxième grande étape correspond à la quatrième prémisse du schéma classique des AC que j’ai mentionnée au tout début : “On peut identifier ce terminus à Dieu (sous-entendu le Dieu monothéiste tel qu’on l’entend souvent).”.
On notera que c’est exactement ce que fait Thomas d’Aquin. Après avoir prouvé l’existence d’un terminus par ses cinq voies dans les premiers volume de sa Somme Contre les Gentils et dans sa Somme Théologique (elles diffèrent dans les deux livres, on retient le plus souvent le premier), il va chercher à prouver que ce terminus est bien Dieu dans une grosse partie.
On doit cette deuxième grande étape comme la première encore à Rowe :
The second part is an argument to establish that the being established in the first part is God, that is, has the properties associated with the theistic concept of God.
Rowe, The Cosmological Argument, p. 6.
Toujours très popularisée par Rasmussen :
STAGE II: Step 3. From a Necessary Being to God: For reasons S, N has certain god-like features, such as immateriality, limitlessness, and ⁄or volitional capacity.
Rasmussen, « Cosmological Arguments from Contingency », p. 807.
In the second stage, I will investigate the nature of this foundation; in particular, I will consider how a foundation could be relevantly different from everything else that has an outside explanation, and how we may thereby avoid the problem of circularity. In the end, we will arrive at what may be the most ultimate explanation conceivable.
Rasmussen, « The Argument from Contingency », p. 17.
The second stage tells us more about the nature of this foundational reality.
Rasmussen, « Why Does Anything Exist?: In Search of the Best Possible Answer », p. 6.
Et enfin quelques citations en français de Guillaud et Lavagna qui ont aussi popularisé cette grande étape, mais cette fois-ci en France :
Nous essaierons ensuite d’établir que cette cause première ne saurait être l’Univers, défini comme la totalité de la réalité matérielle. [...] L’analyse conceptuelle d’un tel être nous amène à conclure qu’il s’agit d’une entité immatérielle, pure de toute restriction : le Dieu créateur. [...] Nous essayons ensuite d’établir que cette cause première ne saurait être l’Univers, défini comme la totalité de la réalité temporelle (B). [...] L’analyse conceptuelle d’un tel être nous amène à conclure qu’il s’agit d’une entité immatérielle, pure de toute restriction : le Dieu créateur du théisme classique.
Guillaud, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », p. 1, 48.
Dans un second temps, le théiste cherche à montrer que l’on peut identifier la cause incausée comme étant Dieu, en faisant une analyse conceptuelle de ses attributs.
Lavagna, Les travers de la zététique: Réponse au livre de Thomas Durand Dieu, la contre-enquête, p. 41.
Une fois qu’on a fini cette deuxième grande étape d’identification du terminus des AC, on peut enfin dire légitimement avec Thomas d’Aquin (même s’il parle du terminus à la fin de la première grande partie) que c’est bien ce “que tous appellent Dieu”22.
Bibliographie
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Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Michon Cyrille (trad.), Paris : Flammarion, 1999, vol. 1, 428 p. (lien vers une autre édition)
”Despite this long history, all of the arguments are variations on a single theme. The common form goes something like this:
1. Everything of type X has a cause.
2. There is something of type X.
3. For some reason (namely, Y), the series of causes of an X must terminate in a first cause.
4. This first cause can be identified with God."
Koons Robert C., « LECTURE #2: Introduction to the Cosmological Argument », leaderu.com/offices/koons, https://www.leaderu.com/offices/koons/docs/lec2.html.
Rasmussen Joshua, « The Argument from Contingency », in Ruloff Colin et Horban Peter (dir.), Contemporary Arguments in Natural Theology, [s.d.], p. 17 ; Rasmussen Joshua, « Why Does Anything Exist?: In Search of the Best Possible Answer », TheoLogica: An International Journal for Philosophy of Religion and Philosophical Theology, vol. 8, no 2, 2023, p. 6.
Ma traduction personnelle et approximative de foundational reality et foundational layer of reality.
Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Michon Cyrille (trad.), Paris : Flammarion, 1999, vol. 1, 428 p., p. 169 ; 174 ; Thomas d’Aquin, Somme théologique, Raulin Albert (éd.), Roguet Aimon-Marie (trad.), Paris : les Éditions du Cerf, 2021, vol. 1., p. 172.
Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, vol 1, p. 175 ; Thomas d’Aquin, Somme théologique, vol. 1., p. 172.
Lavagna Matthieu, Les travers de la zététique: Réponse au livre de Thomas Durand Dieu, la contre-enquête, MDN Productions, 2024, 250 p, p. 38 ; 41 ; Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, Paris : Les Éditions du Cerf, 2013, 416 p., p. 123. ; Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019.
Thomas d’Aquin, Somme théologique, vol. 1., p. 172.
Craig William Lane, Foi raisonnable: vérité chrétienne et apologie, Pagot Christiane et Pech Gérald (trad.), Villefranche d’Albigeois : Éd. la Lumière, 2012, 556 p., p. 213.
Hackett Stuart C., The Resurrection of Theism: Prolegomena to Christian Apology, Eugene, OR : Wipf & Stock, 2009, 382 p., voir fin du chapitre 3, “The cosmological argument: the argument from the fact of particular existence”. Hackett mentionne aussi ce type de prémisse mais confond cependant proposition existentielle et proposition a posteriori. En effet, étant donné on peut tout à fait apprendre l’existence de quelque chose (en l’occurrence sa propre existence) de façon a priori, c’est-à-dire sans faire appel à nos sens.
Pruss Alexander R. et Gale Richard M., « Cosmological and Design Arguments », in Wainwright William Judson (dir.), The Oxford Handbook of Philosophy of Religion, Oxford : Oxford University Press, 2005, p. 116.
C’est une expression que j’ai inventée, ne l’ayant pas trouvé dans la littérature universitaire.
Schopenhauer Arthur, Le monde comme volonté et comme représentation, Roos Richard (éd.), Burdeau Auguste (trad.), Paris : PUF, 2014, 1472 p., p. 607 cité par dans Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 118.
Dawkins Richard, Pour en finir avec Dieu, Desjeux-Lefort Marie-France (trad.), Paris : Perrin, 2013, 528 p., p. 102 cité dans Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 118.
Comte-Sponville André, « Le Point », 05.08.2010, p. 58 cité dans Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 118.
Dennett Daniel C., Breaking the Spell: Religion as a Natural Phenomenon, New York, NY : Vinking, 2006, 448 p., p. 242 cité dans Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, p. 118.
Schopenhauer Arthur, De la Quadruple Racine du Principe de Raison Suffisante, F.-X. Chenet (trad.), Paris : Vrin, 1997, p. 60 cité par dans Clavier Paul, Les avatars de la preuve cosmologique: Essai sur l’argument de la contingence, p. 118.
Descartes par exemple est bien connu pour avoir affirmé que Dieu est causa sui, cause de soi : en gros la cause de sa propre existence.
Guillaud, Dieu existe: arguments philosophiques, pp. 107-108 ; Guillaud, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », pp. 13-14.
Lavagna, Les travers de la zététique: Réponse au livre de Thomas Durand Dieu, la contre-enquête, pp. 39-40.
“Il y a des propriétés expansives et d’autres qui ne le sont pas. Les premières sont les propriétés absolues et non sensibles aux effets de structures (la couleur, le goût, etc.). Les secondes sont les propriétés relatives et/ou sensibles aux effets de structure (le prix, la forme géométrique, etc.).” Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », p. 14.
Lavagna, Les travers de la zététique: Réponse au livre de Thomas Durand Dieu, la contre-enquête, pp. 57-58.
Thomas d’Aquin, Somme théologique, vol. 1., p. 172.