Les trois grandes familles des arguments cosmologiques
Je présente les trois grandes familles des arguments cosmologiques : les arguments du kalam, les arguments thomistes et les arguments leibniziens.
Il existe de nombreuses façons de classer les arguments cosmologiques. Mais depuis quelques temps, les philosophes qui étudient les arguments cosmologiques ont accepté et utilisent très souvent une classification en trois grandes familles : les arguments du kalam, les arguments thomistes et les arguments leibniziens.
Si l’on fait varier les nombreux paramètres dans la version du principe de raison suffisante (notons-le PRS) ou du principe de causalité (notons-le PC) utilisée et dans les étapes des arguments cosmologiques, on obtient ces trois grandes familles.
William Lane Craig semble être celui qui a proposé pour la première fois le plus explicitement cette typologie dans The Cosmological Argument from Plato to Leibniz, Eugene, Or : Wipf and Stock, 2001, 305 p., pp. 282-295. Puis d’autres comme Alexander Pruss1 l’ont reprise.
Bien sûr, dans les faits, rien n’empêche qu’il n’existe des versions “fusions” qui appartiennent à la fois à plusieurs de ces grandes familles. Par exemple, l’argument original d’Andrew Loke2, un “kalam thomiste”, une fusion du kalam et d’un argument thomiste (la première/deuxième voie de Thomas d’Aquin) qu’il appelle The New Kalam-Thomist Cosmological Argument. Ou les nombreux arguments cosmologiques qui combinent un argument thomiste avec un argument leibnizien. C’est le cas par exemple de Réginald Garrigou-Lagrange3, Frédéric Guillaud4 et de Matthieu Lavagna5.
Après les fusions, il y a aussi des arguments qui sont durs à caser dans une de ces trois grandes familles. Par exemple la preuve par les limites arbitraires de Joshua Rasmussen. Quoi qu’on pourrait peut être la caser dans les arguments leibniziens.
Il existe aussi d’autres façons de les classer. Par exemple, on peut différencier les arguments cosmologiques déductifs qui prouvent avec certitude que Dieu existe (la majorité) des inductifs plus récents et plus modestes, qui prouvent seulement qu’il est plus probable que Dieu existe que le contraire (par exemple Richard Swinburne dans La probabilité du théisme et Y a t-il un Dieu ?). Il y a également la famille des arguments de la contingence qui regroupe à la fois les arguments thomistes (définissent la contingence avec les notions de génération et corruption, souvent au sens aristotélicien) et les arguments leibniziens (définissent la contingence avec la notion de monde possible).
Pourquoi prendre autant de peine pour classer les arguments cosmologiques ? Parce que selon le type de l’argument cosmologique qu’on cherche à défendre ou respectivement qu’on cherche à réfuter), ce qu’on prouvera sera différent ou telle objection ne marchera pas alors qu’elle aurait marché si l’argument considéré était d’un autre type. Aussi pour montrer qu’il ne suffit pas d’avoir réfuté un des types des arguments cosmologiques pour les avoir automatiquement tous réfutés. Par exemple, ce n’est parce qu’on a réfuté le PRS (et donc les arguments leibniziens) qu’on a réfuté le PC, qui est plus restreint que le PRS, et donc les arguments du kalam et/ou thomistes.
Je commencerai d’abord par les arguments du kalam et les arguments thomistes qu’on oppose souvent pour leurs différences importantes, puis je finirai par les arguments leibniziens qui sont un peu plus à part.
Les arguments du kalam
Les arguments du kalam (ou le kalam tout court) utilisent une version du principe de causalité et cherchent à montrer que les séries de causes accidentellement ordonnées (en gros une chaîne de causes où chacune peut agir sans dépendre d’une autre cause) ne peuvent pas être infinies (autrement dit l’impossibilité de régressions temporelles infinies6), en particulier dans la plupart des versions que l’univers a un commencement dans le temps (autrement dit qu’il n’est pas éternel), et donc que ces séries doivent avoir pour terminus ou point de départ une cause première.
En voici un exemple (la version traditionnelle aussi la plus utilisée) :
Tout ce qui a commencé à exister a une cause.
L’univers a commencé à exister.
Par conséquent, l’univers a une cause.
Craig William Lane, Foi raisonnable: Vérité chrétienne et apologie, Pagot Christiane et Pech Gérald (trad.), Villefranche d’Albigeois : Éd. la Lumière, 2012, 556 p., pp. 156-157.
On utilise le mot kalam pour désigner un courant de philosophes arabes musulmans du Moyen-Âge (par exemple Al-Ghazali). On compte parmi ses tenants Jean Philopon, Al-Ghazali, Bonaventure, et plus récemment William Lane Craig (connu pour avoir “ressuscité” le kalam), Paul Copan, Rob Koons, Alexander Pruss, Andrew Loke.
Pour reprendre les variables du PC et des étapes des arguments cosmologiques, on a :
X = choses concrètes (variable du PC)
Y = le fait d’avoir un commencement dans le temps. Donc la prémisse existentielle pose l’existence de choses qui ont un commencement dans le temps. (variable du PC)
Z = l’existence (variable du PC)
Réunion ou non de toutes les choses de type dans un gros bloc (“l’univers”) : Souvent les arguments du kalam regroupent toutes les choses spatio-temporelles (“la totalité de la réalité matérielle”7) dans un gros tas : l’univers.
Principe de dépendance utilisé pour résoudre le problème de Glendower et le problème du taxi (“Pourquoi Dieu n’aurait pas de cause ?”) : une version du PC
La force modale : Je peux me tromper mais tous les arguments du kalam que j’ai rencontrés sont forts, c’est-à-dire qu’ils s’appuient sur une version du PC qui dit que “Tout ce qui a un commencement a une cause.” (PC fort) et non pas juste que “Tout ce qui a un commencement peut avoir une cause.” (PC faible).
Le rapport de la causalité au temps : On prend en compte les causes qui ont un rapport avec le temps (causalité asynchrone), c’est-à-dire les causes qui précèdent leur effet dans le temps.
La raison Y (variable de l’argument cosmologique) qui permet de résoudre le problème de la régression (une suite infinie de choses qui n’aurait pas de point d’arrêt) et d’arriver à un terminus (ou vu dans l’autre sens à un point de départ) : En gros l’univers n’est pas éternel (plus précisément sempiternel : sans commencement dans le temps, éternel étant réservé à des êtres en dehors du temps). En termes plus techniques, il est impossible qu’il existe des séries de causes accidentellement ordonnées qui soient infinies.
Pour prouver que l’univers a un commencement temporel, les partisans du kalam utilisent deux types d’arguments :
Des arguments liés à la physique basés sur le Big Bang (notamment le théorème Borde-Guth-Vilenkin) et/ou la seconde loi de la thermodynamique. Comme ils s’appuient sur des données scientifiques, ces arguments sont inductifs et donc seulement probables sans pouvoir atteindre la certitude. Ces arguments sont donc voués à vivre ou à tomber avec la théorie scientifique la plus à jour.
Des arguments a priori de type expériences de pensées basés sur des paradoxes qui ont pour but de montrer que l’idée d’une série de causes essentiellement ordonnées est absurde (l’impossibilité d’un infini actuel) comme l’hôtel de Hilbert (William Lane Craig) et plus récemment le paradoxe du “Grim-reaper” (Rob Koons, Alexander Pruss). Ou au moins qu’il est impossible de traverser un infini actuel à supposer même qu’il en existe (William Lane Craig).
Plus récemment, on peut comme l’a fait Andrew Loke défendre une synthèse du kalam et de l’argument thomiste pour ne même pas avoir besoin de tous les arguments en haut.
L’avantage du kalam, il me semble, c’est qu’une fois qu’on a prouvé l’existence d’une cause première, il est relativement et plus facile de l’identifier à Dieu (plus exactement d’en déduire certains attributs précis) que dans les arguments thomiste et leibnizien. En effet, comme ce qu’on a prouvé précède l’univers avant même l’existence de l’espace-temps, on peut en déduire facilement que cette cause première est éternelle (en dehors du temps) et immatérielle (en dehors de l’espace). De plus, il ne suppose pas énormément de thèses métaphysiques à prouver au préalable comme dans le cas des arguments thomistes qui requièrent en général de lourds présupposés de la métaphysique aristotélico-thomiste.
Les désavantages, c’est d’abord qu’on rentre rapidement dans des débats très techniques autour de la cosmologie contemporaine si on s’appuie sur le Big Bang et sur les mathématiques si on s’appuie sur les arguments a priori classiques. Et ensuite qu’on se charge d’un élément plus lourd à démontrer (le commencement temporel de l’univers) que dans les arguments thomistes ou leibniziens qui mettent de commencer ce sujet. En plus, comme on prend en compte le temps comme une nouvelle variable, on doit aussi souvent rentrer dans des débats assez complexes sur la nature du temps (philosophie du temps) comme sur les théories A et B du temps, le présentisme vs l’éternalisme, etc. Saint Augustin ne disait-il pas qu’il avait du mal à comprendre ce qu’est le temps ?
Les meilleurs livres sur le kalam :
Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, Paris : Les Éditions du Cerf, 2013, 416 p.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019, https://www.academia.edu/38295603/Ab_initio_de_nihilo_un_essai_de_formulation_de_largument_cosmologique.
Michon Cyrille (éd.), Thomas d’Aquin et la Controverse sur l’éternité du monde.
Célier Grégoire, Saint Thomas d’Aquin et la possibilité d’un monde créé sans commencement.
Craig William Lane, Foi raisonnable: Vérité chrétienne et apologie, Pagot Christiane et Pech Gérald (trad.), Villefranche d’Albigeois : Éd. la Lumière, 2012, 556 p.
Craig William Lane, The Kalam Cosmological Argument.
Copan Paul & Craig William Lane The Kalam (éd.), The Kalam Cosmological Argument, volume 1. Philosophical Arguments for the Finitude of the Past.
Copan Paul & Craig William Lane, The Kalam (éd.), Cosmological Argument, volume 2. Scientific Evidence for the Beginning of the Universe.
Craig William Lane & Smith Quentin, Theism, Atheism, and Big Bang Cosmology.
Loke Andrew Ter Ern, God and Ultimate Origins: A Novel Cosmological Argument, Cham, Switzerland : Palgrave Macmillan, 2018.
Loke Andrew Ter Ern, The Teleological and Kalam Cosmological Arguments Revisited, 2022.
Les arguments thomistes
Les arguments thomistes utilisent une version du principe de causalité et cherchent à montrer que les séries de causes essentiellement ordonnées (en gros une chaîne de causes où chacune dépend constamment de sa cause pour agir) ne peuvent pas être infinies et donc que ces séries doivent avoir pour terminus ou point de départ une cause première.
Concrètement, ces arguments sont souvent une version des trois premières voies de Thomas d’Aquin (qui a lui-même repris les arguments de ses prédécesseurs) et son argument basé sur la distinction réelle entre l’essence et l’existence (selon comment on le relie au deux premières voies)
En voici un exemple (la première voie, version dans la Somme théologique de Thomas d’Aquin) :
Il y a du mouvement dans le monde [prémisse empirique]
Tout ce qui est mû (en mouvement) est mû par un autre [prémisse]
On ne peut pas remonter à l’infini dans la série des moteurs et des mus [prémisse]
Il doit donc y avoir un moteur premier (= Dieu)
L’argument cosmologique (2) : L’impossibilité d’une régression causale
Le terme thomiste ne signifie pas que Thomas d’Aquin et les philosophes thomistes sont les seuls à avoir formulé et défendu ce type d’arguments (car les philosophes arabes et juifs les ont précédés), mais qu’aujourd’hui, ils en sont les principaux défenseurs. On compte parmi ses défenseurs Platon, Aristote, Avicenne, Averroès, Anselme, Thomas d’Aquin, Réginald Garrigou-Lagrange, Norman Geisler, Rob Koons, Norman Kretzmann, Edward Feser, Michael Augros, Dennis Bonnette.
Pour reprendre les variables du PC et des étapes des arguments cosmologiques, on a :
X = choses concrètes (variable du PC)
Y = souvent une de ces propriétés, le mouvement, la contingence ou le fait d’avoir son essence distincte de son existence. (variable du PC)
Z = l’existence ou le mouvement (variable du PC)
Réunion ou non de toutes les choses de type dans un gros bloc (“l’univers”) : Souvent les arguments thomistes ne regroupent pas toutes les choses de type Y dans un gros tas. Il suffit de prendre n’importe quelle chose individuelle et de traiter sa série de causes essentiellement ordonnées.
Principe de dépendance utilisé pour résoudre le problème de Glendower et le problème du taxi (“Pourquoi Dieu n’aurait pas de cause ?”) : une version du PC
La force modale : Je peux me tromper mais tous les arguments thomistes que j’ai rencontrés sont forts, c’est-à-dire qu’ils s’appuient sur une version du PC qui dit que “Toute chose de type Y a une cause.” (PC fort) et non pas juste que “Toute chose de type Y peut avoir une cause.” (PC faible).
Le rapport de la causalité au temps : L’existence de l’effet dépend constamment de l’action et de la présence de la cause (causalité synchrone), c’est-à-dire que l’action des causes est simultanées à leur effet.
La raison Y (variable de l’argument cosmologique) qui permet de résoudre le problème de la régression (une suite infinie de choses qui n’aurait pas de point d’arrêt) et d’arriver à un terminus ou point de départ) : Il est impossible qu’il existe des séries de causes essentiellement ordonnées qui soient infinies.
Pour prouver que les séries de causes essentiellement ordonnées sont impossibles, les partisans des arguments thomistes utilisent souvent des thèses de la métaphysique aristotélico-thomiste. Par exemple la génération et la corruption des substances (repose sur la distinction entre la matière et la forme), les distinctions entre acte et puissance, existence et essence, etc.
L’avantage des arguments thomistes, c’est qu’ils fonctionnent même si l’on suppose que l’univers est éternel. En effet, il faut bien comprendre que leur but n’est pas de prouver que quelque chose a commencé à exister dans le temps, mais plutôt que chaque chose limitée dépend en permanence de l’action d’une cause première de laquelle cette chose tire sa capacité de mouvement ou son existence. Ensuite, ils ne reposent pas sur une théorie scientifique particulière et peuvent donc tenir bon indépendamment d’elles. Pour finir, même si c’est en soi un argument d’autorité qui ne prouve pas ces arguments, les arguments thomistes sont ceux qui ont la plus longue histoire et ceux qui ont été les plus acceptés par les philosophes, depuis Aristote jusqu’à Leibniz lui-même. C’est notamment une preuve qu’on retrouve partout chez les théologiens chrétiens toute confession, des Pères de l’Eglise à la Réforme : catholiques, réformés ou calvinistes, luthériens, etc.
Les désavantages, c’est d’abord qu’ils reposent en général comme on l’a vu avant sur des présupposés de la métaphysique aristotélico-thomiste qui sont assez lourds à démontrer et assez controversés aujourd’hui. Disons que ce n’est pas le type d’arguments qui propose le chemin le plus court vers Dieu.
Les meilleurs livres sur les arguments leibniziens :
Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, Paris : Les Éditions du Cerf, 2013, 416 p.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019, https://www.academia.edu/38295603/Ab_initio_de_nihilo_un_essai_de_formulation_de_largument_cosmologique.
Clavier Paul, Les avatars de la preuve cosmologique: Essai sur l’argument de la contingence, Paris, France : Éliott, 2023, 236 p.
Garrigou-Lagrange Réginald, Dieu, son existence et sa nature.
Feser Edward, Five Proofs for the Existence of God.
Geisler Norman, Philosophy of Religion.
Kretzmann Norman, The Metaphysics of Theism: Aquinas’s Natural Theology in Summa Contra Gentiles I.
Augros Michael, Aquinas on Theology and God’s Existence.
Augros Michael, Who Designed the Designer?: A Rediscovered Path to God's Existence.
Bonnette Dennis, Aquinas’ Proofs for God’s Existence.
Les arguments leibniziens
Les arguments leibniziens utilisent une version du principe de raison suffisante et cherchent à montrer que les séries de raisons ou d’explications pour expliquer l’existence de choses contingentes (au sens de choses qui auraient pu ne pas exister ou être autrement, définition avec la notion de monde possible) ne peuvent pas être infinies et donc que ces séries doivent avoir pour terminus ou point de départ un être nécessaire (qui ne peut pas ne pas exister).
Il y a aussi de nombreuses versions qui utilisent un PRS accompagné d’un PC, ou pour dire les choses autrement, une fusion du PRS au PC. Ils peuvent aussi s’appuyer sur des séries de causes accidentellement ou essentiellement ordonnées. Par exemple la version de Leibniz dans De l’origine radicale des choses semble faire appel à une série de cause accidentellement ordonnée (les divers états successifs du monde). Mais c’est accessoire comme certaines versions n’y font même pas référence (par exemple beaucoup de versions de Joshua Rasmussen et d’Alexander Pruss).
En voici un exemple (la première voie, version dans la Somme théologique de Thomas d’Aquin) :
Tout ce qui existe a une explication de son existence, soit par une nécessité inhérente à sa nature, soit par une cause externe.
Si l’univers a une explication de son existence, elle réside en Dieu.
L’univers existe.
En conséquence, l’explication de l’univers a une explication (à partir de 1 et 3)
En conséquence, l’explication de l’univers réside en Dieu (à partir de 2 et 4).
Craig William Lane, Foi raisonnable: Vérité chrétienne et apologie, Pagot Christiane et Pech Gérald (trad.), Villefranche d’Albigeois : Éd. la Lumière, 2012, 556 p., pp. 150-151.
Le terme leibnizien est là parce que Leibniz est celui qui a rendu le plus populaire les arguments de ce type. Il n’est pas très précis comme on sait que Leibniz n’a pas que défendu ou formulé à sa propre façon des arguments cosmologiques mais aussi des arguments ontologiques par exemple (toujours avec la notion de monde possible), repris maintenant par Alvin Plantinga et d’autres philosophes analytiques (argument ontologique modal). On compte parmi ses défenseurs Leibniz, Samuel Clarke, Bruce Reichenbach, Richard Taylor, Rob Koons, Alexander Pruss, Timothy O’Connor, Joshua Rasmussen, Kenneth Pearce, William Lane Craig Frédéric Guillaud, Matthieu Lavagna.
Pour reprendre les variables du PSR et des étapes des arguments cosmologiques, on a :
X = peut être à peu près n’importe quoi, des propositions, des faits, des états de fait, des événements, des choses concrètes (actuelles ou réelles), des choses abstraites, etc. (variable du PRS)
Y = la contingence (variable du PRS)
Z = quasiment tout le temps l’existence, voire l’essence (variable du PC)
Réunion ou non de toutes les choses de type dans un gros bloc (“l’univers”) : Souvent les arguments leibniziens regroupent toutes les choses de type Y dans un gros tas. Mais d’autres ne le font pas mais partent de choses individuelles. Il y a beaucoup de stratégies différentes pour ce genre d’arguments.
Principe de dépendance utilisé pour résoudre le problème de Glendower et le problème du taxi (“Pourquoi Dieu n’aurait pas de cause ?”) : une version du PRS
La force modale : Traditionnellement, ils utilisent des PRS forts du genre “Toute chose de type Y a une raison/explication.” (PRS fort). Mais récemment, d’autres utilisent des PRS faibles du genre “Toute chose de type Y peut avoir une raison/explication.” (Joshua Rasmussen, Alexander Pruss).
Le rapport de la causalité au temps : Parfois il n’est même pas question de causalité (en tout cas explicitement). D’autres fois, il semble être le même que dans les arguments thomistes où l’existence de l’effet dépend constamment de l’action et de la présence de la cause (causalité synchrone), c’est-à-dire que l’action des causes est simultanées à leur effet.
La raison Y (variable de l’argument cosmologique) qui permet de résoudre le problème de la régression (une suite infinie de choses qui n’aurait pas de point d’arrêt) et d’arriver à un terminus ou point de départ) : Il est impossible qu’il existe des séries de raisons/explications qui soient infinies.
Pour prouver que les choses contingentes impliquent pour exister l’existence d’un être nécessaire sur qui leur existence à elles repose, on définit ici la contingence et la nécessité dans un sens logique avec la notion de monde possible. Ce qui est contingent, c’est ce qui aura pu ne pas exister ou exister autrement (ce qui existe dans au moins un monde possible). Au contraire, ce qui est nécessaire existe dans tous les mondes possibles et existe forcément (ne peut pas ne pas exister).
Les arguments leibniziens ont les mêmes avantages que les arguments thomistes : fonctionnent même si l’on suppose que l’univers est éternel. On peut très bien imaginer des choses contingentes qui existent de toute éternité, mais la durée de leur existence ne change rien, on peut toujours se demander pourquoi ils existent alors qu’ils auraient pu ne pas exister. Ensuite, ils ne reposent pas non plus sur une théorie scientifique particulière et peuvent donc aussi tenir bon indépendamment d’elles.
Les désavantages, c’est d’abord qu’ils reposent sur des notions très abstraites (la contingence et la nécessité), donc pas forcément évidentes à comprendre et à visualiser. Ensuite, le PRS (en tout cas sa forme classique héritée de Leibniz appliqué à la fois aux choses contingentes et aux choses nécessaires) est très controversé et doit répondre à une myriade d’objections (le fatalisme modal, l’effondrement modal, le nécessitarisme, la contradiction du libre-arbitre libertarien, etc.)
Les meilleurs livres sur les arguments leibniziens :
Guillaud Frédéric, Dieu existe: arguments philosophiques, Paris : Les Éditions du Cerf, 2013, 416 p.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019, https://www.academia.edu/38295603/Ab_initio_de_nihilo_un_essai_de_formulation_de_largument_cosmologique.
Clavier Paul, Les avatars de la preuve cosmologique: Essai sur l’argument de la contingence, Paris, France : Éliott, 2023, 236 p.
Pruss Alexander R., « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig William Lane et Moreland James Porter (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, Chichester, U.K. ; Malden, MA : Wiley-Blackwell, 2009.
Pruss Alexander R. et Rasmussen Joshua L., Necessary Existence, Oxford, United Kingdom : Oxford University Press, 2018.
O’Connor Timothy, Theism and Ultimate Explanation: The Ultimate Shape of Contingency.
Koons Robert C., “Un nouveau regard sur l’argument cosmologique”.
Rasmussen Josh, How Reason Can Lead to God.
Bibliographie
Pour la typologie, consulter Craig, Pruss, Masson et Lavagna.
Craig William Lane, Foi raisonnable: Vérité chrétienne et apologie, Pagot Christiane et Pech Gérald (trad.), Villefranche d’Albigeois : Éd. la Lumière, 2012, 556 p.
Craig William Lane, The Cosmological Argument from Plato to Leibniz, Eugene, Or : Wipf and Stock, 2001, 305 p.
Garrigou-Lagrange Réginald, Dieu, son existence et sa nature.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019.
Lavagna Matthieu, Les travers de la zététique: Réponse à Thomas Durand.
Loke Andrew, God and Ultimate Origins: A Novel Cosmological Argument.
Masson Alexis, “Les arguments cosmologiques : Dieu comme cause de l’univers”, in Jaeger Lydia (dir.), La science est pour Dieu. Nouveaux arguments scientifiques pour la foi.
Pruss Alexander R., « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig William Lane et Moreland James Porter (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, Chichester, U.K. ; Malden, MA : Wiley-Blackwell, 2009.
Reichenbach Bruce, "Cosmological Argument" in Zalta Edward N. & Nodelman Uri (dir.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2023 Edition).
Rowe William L., "Cosmological Arguments" dans Taliaferro Charles, Draper Paul & Quinn Philip L. (dir.), A Companion to Philosophy of Religion, Blackwell Companions to Philosophy (Second Edition).
Pruss Alexander R., « The Leibnizian Cosmological Argument », in Craig William Lane et Moreland James Porter (dir.), The Blackwell Companion to Natural Theology, Chichester, U.K. ; Malden, MA : Wiley-Blackwell, 2009.
Loke Andrew, God and Ultimate Origins: A Novel Cosmological Argument, 2017.
Garrigou-Lagrange Réginald, Dieu, son existence et sa nature.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », 2019.
Lavagna Matthieu, Les travers de la zététique: Réponse à Thomas Durand, MDN Productions, 2024, 250 p.
Expression de Craig, infinite temporal regress dans Craig William Lane, The Cosmological Argument from Plato to Leibniz, Eugene, Or : Wipf and Stock, 2001, 305 p., p. 282.
Guillaud Frédéric, « Ab initio de nihilo : un essai de formulation de l’argument cosmologique », p. 1.